Où sont passés les insectes et les oiseaux? Par P Marques

En 1962, une biologiste américaine Rachel Carson, publia un livre: «Silent spring» dans lequel elle mettait en cause les pesticides dans le déclin des populations d’oiseaux aux Etats-Unis: «Nous pulvérisons les ormes et aux printemps suivants, nul merle ne chante, non qu’ils aient été touchés directement mais parce que le poison a fait son chemin pas à pas, de la feuille de l’orme au ver, puis du ver au merle». C’était il y a 57 ans et tout était déjà là, la nocivité en particulier des pratiques agricoles. Ce livre contribua à l’interdiction du DDT et autres biocides aux Etats-Unis et ailleurs et à l’émergence d’une mouvance écologiste.
Toutes les études récentes dont celle de l’université de Münich sur la population d’insectes en Allemagne, montrent une baisse spectaculaire des populations d’insectes, ainsi que de la variété des espèces. Près d’un tiers des espèces ont disparu ces dix dernières années dans les zones de prairies où règne l’agriculture ou l’artificialisation de sols, et la masse totale des insectes a fondu de 67% sur la même période. Ces chiffres concernent l’Allemagne mais on peut sans problème les extrapoler à la France. Pour les oiseaux, différentes études conduisent globalement aux mêmes conclusions.
On se répète mais clairement, l’usage massif des pesticides dans l’agriculture est la cause principale de la désertification des sols. Pour les oiseaux se rajoute la perte des habitats, arbres, haies ou encore, la pollution lumineuse. Et si l’on regarde l’évolution de la consommation d’intrants chimiques en France sur les 5 à 6 dernières années, elle est au mieux, stable ou en très légère baisse, au pire, en augmentation et ce malgré la mise place du plan éco-phyto en 2009 et de ses successeurs. Seule petite satisfaction, cet usage a baissé chez les particuliers et dans les communes.
L’objectif pour 2020 est un NODU (l’indicateur utilisé) de 66,5M alors qu’en 2017 il était encore à 94,2; autant dire qu’il ne sera pas tenu. Les «industriels» de l’agriculture ont beau dire que cet indicateur n’est pas le bon, que les quantités achetées ne sont pas toujours épandues dans les champs, le fait est que leur manque de volonté à rechercher et développer des solutions alternatives, leur obstruction même, nous place dans une situation d’urgence qui ne pourra qu’être dommageable à tous, agriculteurs compris. J. Bové et d’autres le confirment dans une tribune parue récemment. Les gouvernements qui se sont succédés ont aussi leur part de responsabilité en n’ayant pas assez soutenu les agriculteurs qui choisissent la voie du bio, la transition étant souvent délicate, ainsi que les initiatives et recherches sur des solutions alternatives viables.
Tergiverser maintenant, c’est l’assurance d’une crise environnementale et sociale difficilement gérable, demain.