LES VIEUX par Franck Tabourel

Nous avions soixante ans, on nous nommait les « vieux »,
Ferrat, Brel et Brassens, tous nous chantaient alors.
Et puis sont arrivés les Saint-Jean Bouche d’or,
Jurant que ce vocable insultait tous les vieux.

Nous sommes devenus des personnes âgées.
Mais pour être quelqu’un, faut-il le mot « personne »?
Ils n’en ont pas besoin, les jeunes, quand on les sonne
Car il n’est pas honteux d’être récemment né.

Le mot personne « âgée » lors devint un outrage.
Alors on nous nomma personne du troisième âge.
Oui mais le premier âge, c’est celui des bébés.
Qui est dans le le deuxième? et pour combien d’années?

Et pour nous distinguer des encore bien plus vieux,
On ajouta un âge encore plus canonique.
Ainsi le quatrième, un âge anachronique
Nous faisait oublier, nous rapprochait des dieux.

Nous fûmes des seniors, pourquoi pas des seigneurs?
Ce mot-là cette fois nous mettait en valeur
Mais il fut à son tour rattrapé par le sens,
Toujours la vérité finit par le bon sens.

Nous fûmes les « anciens », révolus comme les francs,
Ensuite, les « aînés », oui je suis un aîné,
J’ai tété des nénés dès lors que je suis né,
Aujourd’hui j’en suis un, ça me va comme un gant!

Les mots, comme la mode, s’ils ne sont qu’éphémères,
Tour à tour se démodent semblables à des chimères
Acceptons d’être vieux, n’ayons pas peur des mots,
C’est plus respectueux, ne soyons pas des sots.

(Tiré de «Vous aurez de mes nouvelles» par F. Tabourel, aux éditions « Paroles et par chemins… »)